Par Souad Annabi Hajjam
Un métier comparable: Le conseil
Je souhaiterais d’abord commencer par décrire un métier comparable au coaching bien que différent dans la finalité et la posture. Il s’agit du métier du conseil.

Le conseil existe depuis des siècles. Les conseillers étaient des personnes de confiance disponibles pour leurs communautés (les sages d’une tribu) ou encore pour leurs gouverneurs (les conseillers des rois). Bien plus tard, le conseil est devenu un métier à part entière et s’est
progressivement professionnalisé notamment depuis la révolution industrielle et dès le début du 20ème siècle avec la nécessité dans les entreprises d’améliorer les procédés industriels, de réorganiser les rôles et les fonctions et de mettre en place des outils et des technologies de
plus en plus évolués pour une meilleure productivité. On commence alors à parler de « consultant » par domaine.
Pendant les années 1980 et 1990, l’évolution du métier s’accélère avec la création des grands acteurs du conseil (on parle alors de big 4) suite à des opérations de rachats, de fusions, d’expansion internationale ou encore de diversification. Les entreprises sont alors en demande d’expertise dans tous les domaines notamment la stratégie, l’organisation, l’informatique, la communication…. c’est également l’époque où se développe le freelance (des consultants experts dans leurs domaines et intervenant en tant qu’indépendants auprès d’entreprises clientes).
Il n’y a jamais eu de diplôme ni de formations spécifiques qui mènent au métier de consultant.
Le développement du conseil en tous genres a toujours été porté par une demande du marché de plus en plus importante et diversifiée en termes d’expertises techniques, de gestion de projets, d’apport de benchmarks… Les Freelancers eux-mêmes se sont positionnés sur des
niches pour lesquels ils ont su acquérir, démontrer et proposer une réelle expertise.
En résumé, le consultant est l’expert de son domaine. Il adopte une posture de support pour son client et est le référent pour toutes les questions relatives à son domaine d’expertise. Le client est en attente d’un input de sa part qui l’aiderait à avancer sur le chemin de la
performance et de la conduite du changement.
Le métier du coaching : en quoi est-il différent ?
Tout comme le conseil, il s’agit d’un vieux métier qui s’est progressivement propagé dans le monde de l’entreprise (coaching de leaders, de managers, d’équipes, des organisations …) et dans le domaine de la vie privée (Life coaching).
Plusieurs expériences du début du siècle dernier démontrent l’importance et l’impact du bien-être psychologique auprès des employés (Études de Mayo, Expérience Hawthrone) et des individus en général (Maslow, Mintzberg). Le coaching a alors connu un grand succès outre Atlantique avant de se faire connaître en France dans les années 80/90 puis dans les pays du Maghreb au début des années 2000.
Aujourd’hui, le mot « coach » est galvaudé et les clients sont un peu perdus entre le coach en motivation, le coach en estime de soi, le coach en art, le coach sportif, le coach en cuisine mais aussi tous les coachs du monde de l’entreprise qui travaillent en l’occurrence sur des aspects liés au bien-être et à la performance. Mais comment se retrouver cette « jungle »?
Pour ceux (futurs coachés) qui s’intéressent au coaching, il faut savoir avant toute chose qu’un coach est supposé répondre à un besoin de développement d’autonomie du coaché. En ce sens le coaching se situe aux antipodes du conseil. Le coach est responsable du processus et pas du contenu. Il est également supposé conduire son coaché vers un processus d’auto-apprentissage.
En se basant sur ces deux principes (autonomie et auto-apprentissage), la majorité défend le fait qu’il n’y a pas besoin d’être expert ou spécialiste d’un domaine pour être coach. Ceci est vrai en général. Cependant, je pense personnellement que, dans certains cas, nous avons
besoin en tant que coach de maîtriser le domaine de notre coaché (je dis cela par expérience directe et rapportée). Quand on choisit d’être coach, on a besoin d’être spécialiste pour bien connaître l’environnement du coaché (sans chercher à l’influencer dans ses choix). Comment est-il possible de poser les bonnes questions à un manager quand on n’a jamais eu d’expérience dans le monde de l’entreprise ? Comment peut-on challenger un entrepreneur si on ne connaît pas le monde de entrepreneuriat ? Comment coacher des sportifs si nous ne sommes pas initiés au domaine sportif ?
Je ne pense pas que la tâche soit impossible mais elle sera bien plus impactante si elle est effectuée par une personne initiée au domaine. Ensuite, tout dépend bien entendu de la problématique traitée et du lien de celle-ci avec le domaine du coaché.
Enfin, il faut dire qu’il n’y a pas une seule garantie connue et partagée qui supporte la compétence du coach et qui permet au coaché de faire un choix juste et sans risque: ni le titre (aujourd’hui quiconque peut choisir en toute liberté d’adopter le titre de coach), ni la formation/certification (Certains confrères anglo-saxons que j’ai rencontrés n’y croient d’ailleurs pas), ni l’expérience (elle peut être relative à une culture et un environnement particuliers), ni les références (vous ne saurez quasiment jamais ce qu’a fait un coach pour son coaché étant donné le cadre de confidentialité du coaching). A chaque coaché de se faire son propre jugement.
Quel avenir pour le coaching?
Aujourd’hui les entreprises cherchent à développer l’autonomie de leurs collaborateurs, les individus sont en recherche de bien-être et le monde entier est en quête de sens et de valeurs.
Tout ce contexte sert le développement du coaching mais le métier n’est encore ni mûr ni stable. Il est très important que les coachs sachent freiner leur élan d’enthousiasme pour un métier souvent facile d’accès et qu’ils sachent maîtriser leurs intuitions pour adopter une posture professionnelle et éthique.
Il est très généreux de vouloir transmettre du bien-être quand on a réussi à l’atteindre soi-même mais le coaching n’est pas une transmission d’expérience personnelle, ce n’est pas non plus une « révélation ». C’est avant tout des compétences et une grande responsabilité.
Respectons nos clients et ils respecteront et valoriseront notre métier. Soyons fidèle à la charte éthique du métier quelle que soit notre formation, nos croyances et nos projets en tant que coach.
Préservons donc ensemble ce métier dans nos marchés respectifs afin qu’il ne soit pas perçu comme un phénomène de mode mais plutôt comme une vraie voie vers le développement personnel et professionnel.
Ainsi le coaching aura encore de belles décennies devant lui pour prospérer et se développer.
